Lorsque nos enfants rentrent déçus de leur entraînement, qu’ils se font mal ou que leur compétition ne s’est pas déroulée comme espéré, c’est souvent vers nous, parents, qu’ils se tournent. Malgré notre volonté de faire au mieux pour les aider, nous pouvons parfois nous sentir démunis. Et pourtant, si l’équipe qui accompagne un jeune athlète s’étoffe et se modifie au fil du temps, les parents sont présents dès le début.
Grâce aux outils et stratégies de la psychologie du sport, donnez-vous les meilleures chances, d’influer positivement sur la motivation, le plaisir et au final la réussite de votre enfant.
Les jeunes athlètes qui visent le sport de haut niveau passent souvent par trois phases.
L’initiation (6 à 13 ans)
Votre enfant pratique deux à trois activités différentes ce qui conduit à un volume d’activité non négligeable (6 à 8 heures hebdomadaire). Il est animé par une motivation intrinsèque qui se manifeste par du plaisir et de l’excitation vis-à-vis de ses activités qui sont vues comme des jeux. Il teste différents sports et développe des habiletés motrices variées. En tant que parents, vous orientez fréquemment le choix de l’activité sans nécessairement rechercher une spécialisation trop précoce. Et vous avez raison ! Les études montrent aujourd’hui que de grands champions sont passés par cette phase et qu’une spécialisation trop précoce n’est pas nécessaire à l’atteinte d’un très haut niveau de performance, au contraire.
La spécialisation (13 à 15 ans)
Votre enfant s’oriente progressivement vers une (ou deux) activité en augmentant le volume d’entraînement (12 à 19 heures hebdomadaire). Votre implication va augmenter proportionnellement à l’investissement sportif de votre enfant. A ce stade, votre investissement au niveau affectif, temporel ou financier devient déterminant et va faciliter la transition vers l’étape suivante.
L’investissement (dès 15 ans)
Il marque l’entrée dans une pratique sportive intensive (20 heures d’entraînement hebdomadaire environ). Le sport pratiqué devient un sujet central au sein de la famille. Par votre soutien, notamment pour aider l’athlète à faire face aux moments difficiles (blessures, contre-performances, …), vous contribuez au développement de sa carrière.
En 2023, on note 26% d’abandon à la CCC (100 km, 6100m. D+) et à la Diagonale des Fous (170 km, 10500m. D+), 35% d’abandon à l’UTMB (170 km, 10000m. D+), 40% d’abandon au TDS (145 km, 9100 m. D+).
Face à ces chiffres, quelle est la place du mental dans l’abandon d’un trail ?
Les recherches sont rares sur le sujet, mais elles nous donnent déjà quelques pistes d’action.
La décision d’abandonner ne se fait pas en une seule fois ; il s’agit d’un processus et celui-ci se découpe en six étapes (Antonini Philippe et al., 2016) : ressentir des douleurs, interpréter les mauvaises sensations, ajuster la technique de course, essayer de dépasser le problème, exploiter l’influence d’autrui, faire un bilan sur la situation.
Ce processus est progressif et cumulatif. Il touche les expériences corporelles, comportementales, cognitives et sociales. De plus, il semblerait que plus on avance dans ce processus, plus la possibilité de ne pas abandonner se réduise.
Il est donc essentiel de pouvoir agir au début de ce chemin. Les traileurs qui abandonnent et les finishers ressentent quasiment tous des douleurs à un moment de la course et c’est dès cet instant qu’il faut agir, que le mental impacte sur la performance et sur la suite de la course.
Une seconde étude montre que les finishers restent davantage dans une zone de préservation de leur énergie (Rochat, 2017). Environ 60% des finishers ont réussi à rester dans cet état durant leur course ; c’est-à-dire qu’ils ont réussi à gérer leur rythme de course et les temps de récupération. Cette stabilité permet davantage d’atteindre la ligne d’arrivée qu’un oscillement entre l’exploitation et la perte de vitalité.
Ainsi, hormis les blessures traumatiques (les chutes, par exemple), la décision d’abandonner est certes multifactorielle, mais il est certain que le mental joue un énorme rôle dans les abandons en trail.
Le stress est une réaction physiologique normale. Il s’agit d’une réponse d’adaptation de l’organisme qui nous permet de réagir à notre environnement changeant. Pour performer, une certaine dose de stress est essentielle (le bon stress). Or, quand le stress dépasse un certain seuil, notre performance ne sera plus optimale (cf. schéma ci-dessous de Yerkes-Dodson, 1906).
D’où vient le stress qui diminue notre performance ? Il peut apparaître en raison de :
- Stresseurs exogènes
- Stresseurs endogènes
- Perfectionnisme exagéré
- Anxiété
- Orientation excessive sur les résultats
- Etc …
Une fois des réponses à cette question trouvées, il sera plus aisé de travailler sur la gestion du stress et de trouver les outils adéquats.
Les outils utilisés en préparation mentale sont par exemple :
- La relaxation ou les techniques de respiration
- La mise en place de routines
- La visualisation
- Le discours interne
Plusieurs études ont été financées pour trouver un moyen de repérer les stars de demain. Dans le football, on a essayé de mettre en place des critères pour composer la meilleure équipe par exemple. Faut-il des joueurs avec une confiance en soi décuplée ? un faible score d’agréabilité au modèle du Big five ou un score élevé en extraversion ?
Malheureusement, ou plutôt heureusement, ni les stars ni les futures stars n’ont de profil de personnalité typique ni de traits de personnalité égaux. Par contre, certains critères assurent d’avoir les meilleures chances de performer plus tard (MacNamara & Collins, 2011):
1. Se spécialiser tardivement
2. Utiliser le soutien de son entraineur
3. Utiliser le soutien de ses proches et de ses partenaires
4. Faire face aux stresseurs
5. Savoir s’entraîner (se concentrer, faire des bilans, etc …)
6. Savoir s’évaluer et travailler sur ses points faibles
7. Utiliser les représentations mentales (imagerie)
Ces quelques points sont essentiels et il est important de soutenir les jeunes athlètes dans ce sens.
12'000 à 15'000 pensées nous traversent l’esprit chaque jour. Ces pensées font référence au présent, au passé et au futur. Elles peuvent être automatiques ou délibérées, mais bien souvent dans le sport, nous avons tendance à nous encourager lorsque l’on gagne et à nous dénigrer lorsque l’on perd. Cela est bien dommage car le discours interne peut jouer un rôle majeur dans notre performance.
En effet, il a une fonction cognitive, c’est-à-dire qu’il améliore notre performance grâce à un focus vers la technique et les mouvements. Il a également une fonction motivationnelle, à savoir améliorer notre performance par le développement de la confiance en soi (Hatzigeorgiadis, Zourbanos, Goltsios et Theodorakis, 2008).
Pour ce faire, le discours interne doit être formulé positivement, à la première personne (je), il doit souligner les points forts et être axé sur la recherche de solutions. Les freins à un bon discours interne sont les pensées parasites et le stress.
Le surentraînement se définit par un sentiment d’accomplissement réduit, un épuisement physique et des sentiments négatifs envers le sport (Isoard-Gautheur & al., 2018).
Certains signes précoces font référence au surentraînement et détectés assez tôt, il est beaucoup plus simple d’y faire face.
Il est donc essentiel de comprendre les interactions de l’athlète avec son environnement et ses stratégies de coping et de récupération (van des Pluijm, 2021).
Le surentraînement apparaît lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’entraînement et la récupération.
Il n’est pas nécessaire de baisser la quantité et le niveau d’entraînement, il suffit parfois d’augmenter les phases de récupération.
a fatigue peut être ressentie au niveau mental, psychologique et physique. Pour y faire face, chaque athlète devrait planifier des phases de récupération active et passive.
Lorsque l’on interroge des adolescents, 80% se disent fatigués psychiquement (guide pratique sur la santé des adolescents). L’adolescence est une phase de construction identitaire qui demande de l’énergie psychique et pour l’adolescent sportif, son identité est parfois presque exclusivement construite sur sa pratique sportive, ce qui constitue un danger lors de blessures et d’arrêt de la carrière.
Les entraîneurs et les parents jouent un rôle essentiel pour rendre cette phase sereine et ne pas ajouter des contraintes et du stress. Selon Wenger et al., 2022, une fatigue persistante de plus de deux semaines doit alerter les parents et les entraîneurs et des stratégies de récupération doivent être mises en place.
Les athlètes en âge scolaire sont confrontés à la nécessité de concilier le sport de compétition et leurs études. La recherche montre qu’il est bénéfique de combiner le sport et les études, mais cela représente également un défi. La vie est considérée comme un voyage à travers des nombreux paysages et nous voyageons rarement seuls (Stambulova & Harwood, 2022). Les parents, les frères et sœurs, les enseignants, les entraîneurs, les coéquipiers ont des attentes et apportent un soutien.
Avantages de la double-carrière :
- Mieux s’adapter et éprouver moins de difficultés à trouver sa place dans la société.
- Le passage d’une activité principalement mentale (les études) à une activité principalement physique (le sport) est une forme de récupération de l’autre activité.
Compétences développées (De Brandt & al., 2018) :
- Hiérarchisation des tâches
- Fixation d’objectifs réalistes
- Perception des revers et des opportunités
- Recherche de conseils auprès des bonnes personnes au bon moment
- Flexibilité pour modifier les plans si nécessaire
Pour faire face aux défis supplémentaires qu’impose la double carrière, nous pouvons proposer des recommandations basées sur de nombreuses recherches (Stabulova & Harwood, 2022) :
1. Fixer des objectifs réalistes
2. Continuer à élargir ses ressources
3. Améliorer sa gestion du temps
4. Gardez les choses en perspective et effectuer des plans pour un avenir proche et lointain
5. Surveiller son stress
6. Rester positif
« Sur le chemin de la vie, il n’y a pas vraiment de bons ou de mauvais évènements, mais seulement des occasions de se découvrir et de s’épanouir. Souvent, ce qui semble être une perte peut se transformer en gain à long terme, mais l’inverse est également vrai. Par conséquent, tirez les leçons de votre passé, vivez le présent et planifiez l’avenir pour réussir votre double carrière et votre parcours de vie ». Natalia Stabulova